samedi 20 juillet 2019

Ras le bol du TOUT fait-maison





"Je ne vous jette pas la pierre, Pierre"



Un article un peu compliqué aujourd'hui car en ce moment je me remets pas mal en question dans ma démarche écologique. Je ne veux jeter la pierre à personne, c’est juste une réflexion (encore en cours) sur les actions individuelles et l’injonction actuelle sur le tout “fait-maison” qui me pèse beaucoup. Je ne veux plus subir ce poids et je ne veux plus l’imposer aux autres…


Mais d’où vient cet engouement pour le tout “fait-maison” ?

Aujourd'hui, on nous dit qu'il y a des sulfates dans les shampooings, des additifs dans les gâteaux, des perturbateurs endocriniens dans les cosmétiques, du formaldéhyde dans nos meubles … on sait pas trop ce que ça veut dire, mais on sait qu’on en veut pas.
Heureusement internet est là pour nous proposer une alternative : le Do It Yourself ! En français : fais-le toi-même. Avec des produits sains, locaux, bio, simples et éthiques comme on aime bien.

Et c’est génial d’avoir une alternative pour chaque produit “cracra” : du vinaigre blanc pour désinfecter les surfaces, du savon de Marseille à la place du liquide vaisselle, de l’huile végétale en guise de crème de jour… et des tutos à gogo pour pouvoir faire à peu près tout. Et moi j’adore ça, car je me sens libre, libre de me passer de produits polluants, de ne plus financer les entreprises qui exploitent des ouvriers à l’autre bout du monde, de ne plus empoisonner, ni ma famille, ni la planète… tout en me passant d’emballages plastiques et en faisant des économies !

Et il y a aussi un autre mouvement qui prend de l’ampleur : la slow life. Travailler moins, vivre plus. Moins d’heures passées derrière son ordinateur mais plus de temps pour cuisiner, jouer avec ses enfants, s’occuper de son jardin... On gagne moins d’argent, mais au final on en dépense moins car on vit plus simplement, on achète d’occasion et on fabrique beaucoup de choses soi-même.


Travailler moins + loisirs créatifs = sauver la planète ?

Comme je suis quelqu’un de très manuelle, j’ai foncé tête baissée. J’adore coudre, tricoter, bricoler… alors pour sauver le monde, je me suis mise à tout faire moi-même : ma lessive, mes vêtements, mes propres yaourts, mes pulls, mes meubles, mes culottes, mon potager... j’ai même été jusqu'à construire un lit pour mon fils ! Pour résumer : s'il existe un tuto sur internet, il y a 99% de chance que je le tente ! Et à chaque fois, grosse fierté “c’est moi qui l’ai fait”.





Quand la passion se transforme en pression...

Mais petit à petit, mon objectif de limiter mon impact sur la planète s'est transformé en course à trouver une recette maison ou un tuto pour chaque objet/produit de la maison. 

Ce n’étaient plus des envies créatives mais des obligations, je passais presque toutes mes soirées et mes week-ends à coudre, je faisais des listes, je les rangeais par ordre de priorité… cela m’obsédait, ça prenait le pas sur mon travail et sur ma vie de famille (j’étais bien loin de mon idéal de slow life). Beaucoup de stress pour un résultat pas terrible… #grossedéception

Alors un jour, j'en ai eu ras le bol et je suis allée au magasin bio : j’ai acheté de la lessive… emballée dans du plastique ! oh shocking !
A ce moment là, j’ai à la fois kiffé mais j’ai aussi culpabilisé, je l’ai un peu vécu comme un retour en arrière.


Le zéro-déchet n’était-il qu’une mode pour moi ? Ne suis-je qu’une bobo citadine qui suit les tendances pour flatter son ego ? Est-ce que c'est là que je m'arrête sur le chemin ? Le chemin pour aller où ? Est-ce que l'idéal du parfait écolo c'est de s'installer dans le Limousin, faire pousser sa nourriture et vivre hors du système ?


Dans ma tête, c’est encore en réflexion, d’ailleurs écrire cet article m’aide à démêler le bazar.

Plus j'y pense et plus je me dis que cette tendance du tout fait-maison n'est pas souhaitable à grande échelle. Si on généralise le DIY à tous les domaines c'est pas "fais-le toi-même", mais "chacun pour sa gueule". On n'a pas tous les moyens pour se lancer dans le fait-maison, certains sont malades, d'autres ont des enfants en bas âges ou des boulots qui leur prennent toute leur énergie.


D'ailleurs même, je me dis que personne ne vit complètement hors du système, les groupes Facebook, les blogs, c'est un condensé de plein de solutions, mais ce sont les solutions de millions de personnes. C'est juste qu'à force de traîner sur le net et de voir tout ce qui est possible de faire, j'ai toujours l'impression de ne pas faire assez... 


Mais aujourd'hui, j'en ai marre que mon ego qui adore dire "c'est moi qui l'ai fait" prenne le dessus sur le bon sens. Je vais donc ici énumérer les raisons (ou les excuses, à vous de voir) qui me poussent à acheter plutôt qu’à faire les choses moi-même :


Le temps : pour fabriquer son propre pain, sa propre lessive, ses propres yaourts, ses propres vêtements… et ben ça prend du temps ! La slow life nous promet de travailler moins pour profiter de la vie. Sauf que pour moi "profiter de la vie" ça m'évoque plus : me promener, regarder des séries netflix, boire des coups avec mes copains… mais pas fabriquer ma lessive, passer des heures sur le net à trouver la meilleure recette, me prendre la tête sur le oui ou non de la glycérine, huile de palme vs huile d'olive… je donne l'exemple de la lessive mais j'aurais pu aussi l'appliquer à la couture. C'est pas parce que j'aime coudre que je dois TOUT coudre !


La qualité : comme dirait mon comptable "chacun son métier". Je suis illustratrice, j'ai étudié dans une école d'art pendant 4 ans, je dessine tous les jours depuis 15 ans, je suis douée pour ça, c'est mon métier. Et ça, ça vaut pour tous les métiers. On ne peut pas être doué dans une activité après avoir regardé 3 tutos sur YouTube, on peut faire quelque chose de correct pour soi, mais ce se sera jamais la qualité d'un professionnel (qui lui, en fait profiter les autres). Il y a des gens dont c'est le métier de faire des cosmétiques, du pain, des produits ménagers, ils ont fait des études et ont des années d'expériences, ils savent faire un produit de qualité et ils connaissent toutes les normes d'hygiène et de sécurité. Je préfère donner mon argent à une entreprise éthique qui fabrique un vrai produit de qualité plutôt que de le faire moi-même, perdre beaucoup de temps, d'énergie, prendre le risque d'abîmer ma machine à laver, ma peau ou mes dents…


Le matériel et les matériaux : pour fabriquer un produit, il faut du matériel et des matières premières. Par exemple, pour faire un gâteau, on a besoin d’ingrédients et un four. Des choses simples et facilement trouvables. Mais pour d’autres choses c’est plus compliqué : pour faire un vêtement, il faut du tissu, du fil et une machine à coudre. Mais si on veut aller plus loin (comme moi), la surjeteuse pour le jersey c’est le top ! Mais est-ce vraiment écolo et durable d’équiper chaque foyer de matériel digne d’un professionnel pour subvenir aux besoins de quelques personnes ? Plus j’y pense et plus je me dis que c’est plus durable qu’une entreprise investisse dans du bon matériel pour faire des bons produits et les vendre, plutôt que chacun s’équipe et fabrique pour soi-même.


... et l’argent dans tout ça ?
faire soi-même prend du temps mais permet aussi d'économiser de l’argent. Je dois avouer que je peux me permettre d’acheter ma lessive bio en vrac plutôt que de la faire moi-même. Mais je me rends aussi compte que pour beaucoup le DIY est la seule alternative abordable pour consommer de manière responsable.


Et maintenant ?
Il n’y a pas que deux options : produits de merde du supermarché ou le sacro-saint “fait-maison”. Pourtant, il y a pléthore d'options comme la seconde-main, le bio, le vrac, l’entraide entre amis... à chacun de trouver les solutions qui conviennent le mieux à sa situation familiale, son porte-monnaie et son style de vie. Et quand bien même, si on achète encore des “produits cracras” parce qu’on a pas encore trouver l’alternative qui nous convient, c’est pas grave !

Je ne dis pas non plus qu'il ne faut rien faire soi-même. Je ne regrette en rien d'avoir tester des trucs, il y a eu des échecs et des réussites. Perso, je suis très satisfaite de certaines recettes maisons qui sont faciles à faire (déodorant, yaourts…) mais c’est décidé je ne veux plus m’obstiner après des échecs, sous prétexte que d’autres y arrivent. Je trouve ça génial que le net regorge de milliers d'alternatives, mais pour moi à partir d'aujourd'hui le DIY c’est si je veux quand je veux. 

Je veux garder mon énergie et mon temps à améliorer ce que je sais déjà et à en faire profiter les autres. Et si au lieu de partager ses recettes, on partageait tout simplement le résultat ? Et pour ce que je ne veux/peux pas fabriquer, je me tournerais vers des entreprises responsables et la seconde-main. Un professionnel qui propose des produits de qualité, locaux, bio, zéro-déchet, éthiques aura un bien meilleur impact sur la société à long terme qu'un amateur qui essaye juste de limiter son empreinte carbone à titre personnel.


Car on le sait que les efforts individuels ne sont pas suffisants pour inverser le changement climatique, alors plutôt que de la jouer "chacun pour soi" faisons-le plutôt tous ensemble.




Coralie :)



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